Alpes-Guide
: Qui es-tu ?
Patrick Bérhault : Patrick Bérhault,
44 ans. Je suis Guide de Haute Montagne, Professeur à
l'Ecole Nationale de ski et d'Alpinisme. J'ai découvert
la montagne à l'âge de 13 ans au collège.
AG
: La Montagne pour toi, c'est quoi ?
PB : C'est plein de choses. On ne peut pas coller
un seul mot sur la montagne. C'est les copains et les copines,
la nature, la liberté. Voilà les trois choses
essentielles à mon avis.
AG
: Pourquoi gravis-tu les montagnes ?
PB : Parce que je sais pas quoi foutre dans la vie,
parce que je me fais vraiment chier et donc je me dis tiens
il y a des montagnes si j'y montais dessus. Non
Je
sais pas. Je gravis les montagnes parce que j'ai croisé
ce curé à 13 ans qui me les a faites connaître
et que ça m'a tout de suite plu. Je suis un amoureux
de la nature, j'aime me sentir libre et puis, dans ces montagnes
on partage des trucs parfois extraordinaires avec les gens.
Voilà pourquoi je les gravis et puis, parce qu'elles
sont là.
AG
: Tu as réalisé une grande 1ère
avec ta Traversée des Alpes, un voyage de 167 jours
avec l'ascension de 22 parois mythiques. Comment peux-tu
résumer cette aventure ?
PB : C'est 5 mois et demi d'un condensé de
vie où tu côtoies la nature au quotidien. 5
mois et demi plein d'anecdotes et de superbes moments d'amitiés
et puis un vieux rêve qui se réalise.
AG
: Tu as été confronté à
de très mauvaises conditions météo
lors de ta Traversée. As-tu le sentiment d'avoir
découvert de nouvelles limites ?
PB : C'est vrai que ce genre de parois, en général,
les alpinistes qui les abordent attendent des conditions
a peu près correctes pour les grimper. Mais là
vu que le temps était systématiquement pourri
et si on ne voulait pas que ce voyage dure plusieurs années,
on s'est dit qu'il fallait les aborder comme ça,
dans la mesure où bien sûr, les dangers objectifs
n'étaient pas trop importants et ne mettaient pas
en jeu le respect de la vie. Du moment que cela touchait
juste à la difficulté, à la technique
et qu'on le sentait, on s'est dit qu'on allait essayer.
Et puis c'est vrai qu'attaquer dès la base, des grandes
parois complètement enneigées ou verglacées,
alpinistiquement parlant ça nous a fait vivre des
choses un peu nouvelles ou partiellement nouvelles puisque
on a tous vécu ça en sortie de voies ou à
la descente quand on se fait choper par le mauvais temps.
AG
: Combien d'années de pratique pour arriver à
ton niveau ?
PB : Cela fait 31 ans que je pratique. J'ai commencé
j'avais 13 ans et j'en ai 44.
AG
: Combien d'heures d'entraînement par semaine
?
PB : Je fonctionne au feeling. Je ne fais pas de
calculs scientifiques. Je fais ce qui me fait plaisir. Ce
qui est important dans l'entraînement, c'est qu'il
soit régulier et la régularité est
fondamentalement liée au plaisir. Si on se fait plaisir,
ça va durer longtemps et on va le faire régulièrement,
si on a la liberté pour. Et donc ce qui est fondamental
dans l'entraînement comme dans le reste, c'est ce
plaisir. Je n'ai donc pas de plan ou de calcul particulier,
je ressent des choses et j'essaye de les vivre et c'est
tout. C'est aussi simple que ça.
AG
: Tes sponsors ?
PB : Camp, Béal, Scarpa et Peak Performance
AG
: Comment vois-tu le futur de l'alpinisme de haut niveau
?
PB : J'espère qu'il sera le plus respectueux
possible de la nature.
AG
: En cette année internationale de la Montagne,
quels sont tes souhaits pour la Montagne ?
PB : L'escalade ou l'alpinisme, à la base,
c'est une adaptation harmonieuse de la nature humaine à
la nature rocheuse ou nature montagnarde.
Mon souhait c'est que cette année de la Montagne
sensibilise le plus de gens possible au respect de la nature,
au respect de ces superbes montagnes qui nous environnent
et des personnes qui y vivent.
Que ceux qui fréquentent la montagne sachent l'observer,
apprennent sur son fonctionnement et se calquent dessus
et pas l'inverse. Qu'ils ne jouent pas au buldozer quelque
soit le domaine.
AG
: Tes projets ?
PB : J'aime la nature et la liberté. Je fonctionne
au coup de coeur. Peut être que je ne ferais plus
rien, je n'en sais rien. Il faut qu'il y ait vraiment un
lieu, une idée, des gens qui m'attire. Si je n'ai
pas ça, je n'ai pas envie de faire des choses. Du
moment où je sens une énergie positive, qu'elle
se dirige vers un lieu que je trouve intéressant
et beau et que ça se fait dans un contexte qui me
convient, je ferais tout pour y aller. Il y a des choses
dont on parle, qui se construise à différents
endroits. Je n'ai pas encore fait de choix, c'est trop tôt
pour en parler.
Les compagnons de cordées et les sommets de la Traversée
des Alpes de Patrick Bérhault :
· Avec Patrick Edlinger : Triglav : mixte
des voies "Helba" et "Copov-Steber"
en 13 h. Cima Ovest : voie "Cassin-Ratti" en 6
h 30. Cima Grande : voie "Brandler-Hasse" en 7
h 30. Civetta : voie Solleder en 7 h 30. Punta Tissi : voie
"Philipp Flamm" en 8 h. Cima Su Alto : voie "Livanos
Gabriele" en 8 h. Marmolada : A travers le Poisson
en 7 h 30. Punta Rocca : voie Vinatzer en 8h. Crozon di
Brenta : pilier des français en 8 h. Brenta Alta
: voie Detassis en 5 h.
· Avec Otavio Fassini : Cengalo : face nord
en 6 h 30
· Avec Philippe Magnin : Grandes Jorasses
: Voie Desmaison Gousseault en 2 j. Mont-Blanc : Hypercouloir
du brouillard en 8 h. Cervin : voie Schmid en 11 h. Eiger
: voie Heckmair en 2 j. Meije : voie Pierre Allain
· Avec Patrick Gabarrou : Grande Casse : goulotte
Boivin Diafera en 19 h
· Avec P. Magnin et P. Gabarrou : Marguareis
: voie Gogna.
· Avec Gaël Bouquet des Chaux : Aiguilles
d'Arves : traversée en 2 j.
· Avec Valérie Aumage : Barre des Ecrins
: Mayer Dibona.
· En solo : Viso : 1ère traversée
en solo hivernal en 2 j. Corno Stella : 1ère de la
Directe Nord en solo hivernal en 11 h.
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sommets mythiques des Alpes reliés à pieds,
en vélo ou à skis. 167 jours, 141683 m de
dénivelée positive, 22280 m en paroi.
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